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J’ai décidé d’ouvrir un bar de gaming

Il était une fois dans un pays fort lointain… Ah non ! C’est vraiment ici et aujourd’hui que ça se passe… C’est l’histoire de Nicolas Bouscarat qui a ouvert le premier bar de gaming à Luxembourg, Respawn, e-sport & gaming bar en juin 2021. On vous le présente ?

En un mot…

Pour toi, être entrepreneur, c’est avant tout… La liberté !
Le principal avantage d’être entrepreneur ? La relation directe entre nos actions et la réponse de nos clients.
Le principal inconvénient d’être entrepreneur ? Les journées ne font que 24 heures. 

Nicolas, tu peux nous présenter Respawn ?

Respawn, c’est la rencontre de deux secteurs qui se catapultent : l’horeca et le gaming. Le concept de café gaming florissait déjà dans les pays limitrophes, mais au Luxembourg, on a été les premiers à répondre à cette demande.

J’adore l’univers du gaming ! Et j’avais envie d’y apporter une dimension sociale. Ouvrir un bar, ça a aussi un côté un peu psy : on discute avec les gens, on partage… Notre clientèle est très hétéroclite. Ce n’est pas que l’archétype du geek ! Notre but, à François, mon cogérant, et moi, mais aussi à nos associés, c’est de faire découvrir l’univers « geek » au Luxembourg et d’offrir un lieu où les membres de cette communauté peuvent se rencontrer et jouer ensemble.

On ne risque pas de s’ennuyer chez Respawn !

Oui c’est vrai, il y a du choix ! On peut – pas forcément dans cet ordre 😉 - s’éclater aux bornes d’arcades, découvrir des jeux de société, des jeux de rôles, profiter de l’espace canapé-consoles dernière génération, chiller en écoutant un petit concert, se lâcher pour un karaoké, peindre des figurines, participer à des tournois thématiques, siroter des cocktails présentés comme des potions de jeux de rôle… Niveau restauration, on fait des croques monsieur et ponctuellement des petits déjeuners. Simples mais efficaces !

Et comme nous avons beaucoup de place (400 mètres carré) on peut aussi louer des espaces pour organiser des événements.

Où peut-on vous trouver ?

Le bar se situe dans le quartier de la gare à Luxembourg-ville.

On peut trouver nos évènements sur notre site internet aussi bien sûr. Nous sommes également très présents sur nos pages Facebook et Instagram. J’y attache une grande importance d’ailleurs. La communication c’est une des clés ! Je pense que tous les entrepreneur.e.s en ont besoin. On a aussi créé un groupe Meetup où l’on partage toutes nos soirées et nos événements, et puis ils sont relayés par Supermiro.

Le lancement

L’idée-même du bar est née avec nyuko. Le projet a commencé en septembre 2019, et le café a ouvert ses portes en juin 2021. Dans les faits, j’ai contacté la House of Entrepreneurship qui m’a orienté vers nyuko. Ça a été super intéressant de rencontrer d’autres entrepreneur.e.s. J’ai trouvé ça génial ! J’entrais dans un monde que je ne connaissais pas du tout… Par exemple, pour démarrer, il fallait avoir suivi une formation HACCP (règles d’hygiène pour l’horeca) pour obtenir l’autorisation d’établissement.

En parallèle, j’ai suivi une formation sur la création d’entreprise en cours du soir et j’ai demandé les services de l’avocat qui avait animé l’atelier dédié aux statuts juridiques. Il a d’ailleurs écrit un le livre « La SARL luxembourgeoise : le guide pratique » que je recommande.

Et voilà comment je me suis lancé dans le grand bain ! Ce changement majeur dans ma vie a modifié ma conception de ce qu’est « un métier » et de comment « gagner sa vie ».

A propos de statut juridique, pour lequel as-tu opté ?

Pour une SARL. Ça nous a permis d’être relativement libres sans rentrer dans des démarches administratives lourdes au niveau de la gestion et des statuts. Cela nous a aussi offert la flexibilité que l’on désirait quant au nombre évolutif d’associés. On pouvait faire entrer des actionnaires sans trop de formalités. Ce qui était bien vu, puisqu’aujourd’hui, nous sommes huit associés, dont deux gérants.

Comment as-tu choisi ton emplacement ?

On était conscients que le loyer constituerait une charge énorme dans notre structure de coûts. Alors cette question a été minutieusement analysée en amont.

Quand j’ai fait mon business plan, j’ai découvert que pour ouvrir une franchise de bar de gaming dans notre région, le projet devient viable à partir de 50.000 habitants. Nous avions deux sites en vue, un à Esch et l’autre à Luxembourg, qui s'approchaient de la barre des 50.000 habitants. A l'époque je travaillais à Esch-Belval, j’étais témoin du dynamisme croissant du lieu et des opportunités que ça comportait à moyen terme mais ça nous rapprochait beaucoup de nos concurrents en France… A contrario, en termes de présence, s’implanter dans la capitale nous assurait LE meilleur emplacement à long terme sur le marché. Le quartier de la gare offre tous les potentiels d’accès et de parking… A l’heure où l’on a ouvert, la rue du Fort Neipperg… C’était un pari ! Mais les propriétaires travaillaient déjà à améliorer son image, et en effet, ça se produit : la CFL emménage de nouveaux bureaux et de nombreux bâtiments sont en rénovation.

Un point d’attention spécifique au domaine de l’horeca ?

Toutes les taxes au niveau de la vente d’alcool m’ont étonné. Il faut verser une taxe d'ouverture, puis une taxe annuelle. Pour ouvrir un bar où l’on sert de l’alcool au Luxembourg, il faut avoir un droit de cabaretage… Et la distribution de ses licences est limitée dans le pays ! La grande majorité étant détenue par les deux brasseries leaders du pays, il faut choisir entre Bofferding ou Diekirch.

Les premiers pas…

Le covid n’a pas aidé. On s’est sentis souvent oubliés. Vu notre date de démarrage, on n’a pas eu droit aux aides étatiques. Cela nous a poussé à trouver d’autres solutions, à nous tourner vers d’autres personnes. Par exemple vers le propriétaire de notre espace.

J’ai mis trois semaines à rédiger le mail lui exposant notre situation et lui demandant si on pouvait envisager une solution ! Et puis, je me suis dit : « Bon, tu es au pied du mur, si tu ne fais rien, ton entreprise meurt. » Alors, j’ai cliqué sur send… Il nous a fait cadeau des loyers pendant le covid, puis a mis en place des loyers progressifs ! Là, j’ai réalisé qu’on était soutenus ! Mais tant qu’on n’a pas fait la demande, personne ne nous aide. Les difficultés nous ont vraiment permis de voir que « le monde n’est pas contre nous ». On a eu beaucoup de soutien au final : de nos clients, de notre communauté, de notre propriétaire, des médias luxembourgeois…

Oser demander de l’aide, ce n’est pas inné… Surtout quand on se lance, c’est notre projet, notre bébé… Mais ce n’est pas l’égo qui doit dominer. Il faut être capable de se remettre en question et oser demander de l’aide !

Travailler en équipe

Dans la phase d’idéation, avant que le projet ne se concrétise et aboutisse à l’ouverture de Respawn, l’idée a tellement évolué que ça a fait peur à mon tout premier associé. Je voyais de plus en plus grand et quand les choses sont devenues concrètes, la prise de risques l’a fait se rétracter. C’est lors d’une compétition de figurines sur table que j’ai rencontré mon associé actuel. Il était indépendant depuis des années. Il venait de clôturer sa dernière société et cherchait un nouveau projet… En plus, François est un pro des cocktails ! C’est lui qui nous a permis d’établir notre carte.

Quel.le.s limites et avantages cela comporte-t-il ?

On se répartit les tâches. Mon collègue est très bon dans le social, il discute avec les clients, il gère tout l’opérationnel du bar, etc. Quant à moi, je fais un peu le mauvais flic : respect des règles d’hygiène, surveillance de la caisse, suivi administratif, partie technique pour que tous les outils soient opérationnels lorsqu’on en a besoin, etc.

On se complète bien mais on ne fonctionne pas de la même manière et c’est un apprentissage de déléguer, de lâcher prise sur ce que l’autre fait différemment, et peut-être même mieux d’ailleurs. Il faut accepter de se dire : « Je ne peux pas tout gérer tout seul même si j’aimerais bien. »

Comment gères-tu la relation client ?

On met tout en œuvre pour que nos clients partent avec le sourire. Si quelqu’un part avec une petite moue, on lui demande vraiment : « Qu’est-ce qui manque ? Comment faire l’espace parfait pour toi ? » Cela nous a vraiment permis de construire un univers où ils se sentent comme à la maison. Un groupe de clients sont même devenus des amis ! Partager une passion, un hobby et une fiole de cocktail ça crée du lien.

Comment prospecter et démarcher ?

D’abord, on est allés chercher des communautés cibles sur Facebook. On leur a proposé un espace où ils pouvaient se rassembler et organiser leurs événements. Et puis - et c’est là que c’est important ! - on est restés à leur écoute, on a intégré leurs retours dans notre modèle, en ajoutant ceci… cela… en créant des events…. Au fil du temps, nos ambassadeurs se sont mis à travailler pour nous. La boule de neige n’a fait que prendre de l’ampleur et le bar a connu un second souffle à la fin des restrictions sanitaires, mais nous avons encore des challenges à relever pour pérenniser l’activité.

Comment vois-tu Respawn évoluer d’ici 5 ans ?

Actuellement, notre principale source de revenu est la vente de boissons. Je fais beaucoup barman. J’aimerais dégager du temps en embauchant deux personnes pour gérer l’opérationnel et ainsi pouvoir me consacrer au développement du bar, faire plus de compétitions… Pour rayonner de plus en plus large. On a, par exemple, déjà établi un partenariat avec une entreprise de vente de jeux et de figurines, et on organise des workshops pour peindre des figurines.

La location de table et d’espace de jeux est en train de s’accroître et on y dégage 100% de marge. C’est 5€ de l’heure et on peut y jouer à tous les jeux de société que l’on souhaite, de deux à cinq personnes.

On veut également développer le B2B pour organiser des événements, proposer l’espace en location de 8h à 17h : pour des anniversaires, les locations de tout l’établissement pour des team buildings, des réunions d’équipe, des séminaires…

Comment gères-tu l’équilibre entre ta vie professionnelle et ta vie personnelle ?

Au début, il ne faut pas se le cacher, la vie privée n’existe presque plus. Moi, je consacrais tout mon temps au bar. Et au fur et à mesure, on récupère du temps et on trouve un équilibre pour concilier les deux.

J’ai pris le risque de me lancer, j’ai quitté mon ancienne vie et mes anciennes réalisations… Il a fallu assumer derrière ! C’est là qu’on réalise l’importance de notre entourage ! J’ai eu beaucoup de soutien de ma compagne. Savoir que je pouvais compter sur elle, ça, c’était génial. Savoir qu’on a une famille qui nous soutient, même s’ils ne comprennent pas toujours nos choix… C’est ce qui permet de tenir dans les moments difficiles.

Un conseil concret pour arriver à cet équilibre ?

Avec mon collègue, on a mis en place un weekend en alternance :  mardi et dimanche, les journées plus creuses, on alterne pour nous garder des weekends autour du lundi. Il faut mettre des limites pour tenir sur la durée. Avec cette organisation, tous les 2 weekends, nous avons au moins un jour ensemble avec ma conjointe.

Trois conseils à emporter pour de futur.e.s entrepreneur.e.s :

  • Dédramatisez ! C’est une aventure, ça fait peur. Mais il faut se lancer pour savoir ce qu’on fera plus tard. Tirez des leçons de toutes vos expériences.
  • Avoir l’humilité de dire : « J’ai peut-être fait des mauvais choix, mais je ne vais pas le faire deux fois. »
  • Le ou la futur.e entrepreneur.e doit absolument aller chercher un maximum d’info, avoir un plan de bataille pour mettre ses idées en place et créer quelque chose de viable.

 

Interview réalisée par Delphine Anzevui

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