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Entreprises luxembourgeoises et télétravail frontalier

Avec le passage du Covid-19, le télétravail s’est démocratisé et la situation particulière du Luxembourg et de ses nombreux travailleurs frontaliers a accéléré la tendance.

Le régime exceptionnel mis en place durant la pandémie de Covid-19 permettant de paralyser certaines règles fiscales et sociales ayant pris fin, la pratique régulière du télétravail pour les travailleurs salariés ou indépendants qui ne résident pas au Luxembourg mais dans les pays frontaliers – France, Allemagne, Belgique – nécessite le respect de règles particulières en matière de droit du travail, de fiscalité et de sécurité sociale.

Que vous soyez à la tête d’une entreprise luxembourgeoise à la recherche d’informations sur les règles à respecter pour accorder du télétravail à vos salariés frontaliers, ou indépendant.e résidant dans un pays frontalier, mais dont l’entreprise est établie au Luxembourg, voici un aperçu des règles à considérer, qui diffèrent selon votre statut.

1. En matière de droit du travail (applicable aux salariés uniquement)

Le télétravail est désormais légalement reconnu comme une « forme d’organisation ou de réalisation du travail, utilisant généralement les technologies de l’information et de la communication, de sorte que le travail, qui aurait normalement été réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux ». Il est considéré comme occasionnel lorsqu’il est effectué pour faire face à des événements imprévus ou lorsqu’il représente moins de dix pour cent en moyenne du temps de travail normal annuel du télétravailleur. Le télétravail est considéré comme régulier dans les autres cas.

Le télétravail a toujours un caractère volontaire : salarié.e et employeur choisissent conjointement la formule mise en place. Dans le cadre du télétravail occasionnel, il est suffisant que l’employeur fournisse au salarié une confirmation écrite du droit de faire du télétravail occasionnellement. Le télétravail régulier, quant à lui, nécessite la mise en place d’un accord écrit entre l’employeur et le salarié.e définissant les conditions du télétravail (lieu, heures et jours, compensation éventuelle, forfait mensuel pour la prise en charge des coûts de connexion/communication ; modalités du passage/retour vers la formule classique de travail etc.). L’employeur doit également fournir l’équipement de travail nécessaire et prendre en charge les coûts directement engendrés par le télétravail, en particulier ceux liés aux communications. Cette prise en charge peut prendre, par exemple, la forme d’un montant forfaitaire mensuel, à convenir d’un accord commun par écrit entre l’employeur et le salarié.

L’employeur devra veiller au respect des règles de la protection des données et informer / former le télétravailleur dans ce cadre. Le salarié télétravailleur doit pouvoir demander un service d’appui technique.

Bien entendu, le principe d’égalité de traitement entre tous les salariés, télétravailleurs comme non télétravailleurs doit être respecté (notamment en terme de droit à la formation, évolutions de carrière, organisation du temps de travail, critères de résultat, charge de travail, heures supplémentaires, droit à la déconnexion etc.). L’employeur doit également prendre des mesures pour prévenir l’isolement du salarié télétravailleur (accès aux informations de l’entreprise, rencontre avec collègues etc.).

2. En matière de fiscalité

Un principe fondamental de la fiscalité est la taxation des revenus dans le pays depuis lequel la prestation de travail est effectuée. Cela signifie que la prestation effectuée depuis le pays de résidence devrait en principe être taxée dans celui-ci, avec la particularité de seuils de tolérance convenus entre le Luxembourg et ses pays voisins.

Pour les salarié.e.s :

Les accords bilatéraux avec les trois pays frontaliers prévoient des seuils annuels de tolérance qui, s’ils ne sont pas dépassés, permettent le télétravail des frontaliers sans conséquence fiscale. A partir de 2024, ce seuil est identique pour les pays frontaliers et s’élève à 34 jours pour l’Allemagne, la Belgique et la France. Les jours à comptabiliser comprennent toutes les périodes de travail qui sont prestées en dehors du Luxembourg (télétravail, conférence, activité professionnelle, formations, déplacement professionnel etc.).

Tant que ce seuil de tolérance n’est pas dépassé, l’imposition des revenus du/de la salarié.e a lieu de manière unique au Luxembourg. Cela signifie qu’un.e salarié.e frontalier.e peut prester jusqu’à 34 jours de télétravail sans incidence sur l’imposition de son salaire, qui demeure alors totalement imposé au Luxembourg.

Si le seuil est dépassé (= prestation de plus de 34 jours en dehors du Luxembourg), l’imposition doit être partagée avec le pays de résidence, au prorata de ce qui aura été presté en dehors du Luxembourg. Ceci implique que la part de revenus liés aux jours prestés hors Luxembourg soit, d’une part, exonérée de l’impôt luxembourgeois, et d’autre part, déclarée et taxée dans le pays de résidence. Les fiches de salaires des salarié.e.s doivent donc être adaptées en conséquence. Certains pays (la France, notamment) exigent l’accomplissement de formalités d’enregistrement supplémentaires pour l’employeur comme pour le salarié.e auprès des autorités françaises.

Pour les indépendant.e.s établi.e.s au Luxembourg:

L’indépendant.e qui facture ses services est une entreprise, et n’est donc pas concerné.e par les règles fiscales et seuils ci-dessus qui s’appliquent aux revenus d’emploi. Les revenus de l’indépendant.e constituent les bénéfices d'une entreprise : ces revenus sont imposables dans un État uniquement si l’activité est exercée par l'intermédiaire d'un établissement stable (= une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité) situé dans cet État et uniquement dans la mesure où ces bénéfices sont imputables à cet établissement stable. Un.e indépendant.e établi.e au Luxembourg, est donc en principe imposé.e au Luxembourg puisque son entreprise y est établie, mais pourrait être imposé.e dans son pays de résidence s’il/elle y travaille de manière à ce qu’on puisse en déduire que sa présence constitue un établissement stable (en fonction de la durée de présence sur le territoire, ou encore également du chiffre d’affaires réalisé sur ce territoire : l’analyse est conduite selon un faisceau d’indices). Attention, donc, au télétravail de l’entrepreneur.e qui pourrait être interprété comme la présence d’un établissement stable dans son pays de résidence et ainsi impacter son imposition.

3. En matière de sécurité sociale

Au sein de l’Union Européenne, le principe d’unicité est applicable en matière de sécurité sociale. Cela signifie qu’une personne ne peut cotiser que dans un seul pays de l’Union Européenne à la fois, même si elle a des activités professionnelles dans plusieurs pays. L’autorité compétente en matière de sécurité sociale du pays compétent devra regrouper les droits de la personne concernée.

Dans le cas d’un.e salarié.e employé.e au Luxembourg :

En principe, il/elle est affilié.e à la sécurité sociale luxembourgeoise. Cependant, si 25% ou plus de son temps de travail s’effectue dans son pays de résidence, son affiliation et le paiement des cotisations se fera dans le pays de résidence et non plus au Luxembourg.

L’accord-cadre mis en place au sein de l’Union Européenne (et signé par l’Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg) permet cependant de faire exception à cette règle et de permettre à un.e salarié.e de travailler jusqu’à 49,9% de son temps de travail dans son pays de résidence tout en restant affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise. Pour appliquer le régime de l’accord-cadre, les conditions suivantes doivent être réunies :

  • le télétravail exercé doit constituer au moins 25% et moins de 50% du temps de travail total du/de la salarié.e ;
  • l’exercice du télétravail régulier doit s’effectuer exclusivement dans l’Etat de résidence du/de la salarié.e ;
  • le/la télétravailleur/se doit rester connecter à l’environnement de travail de l’employeur pour réaliser ses tâches (connexion de manière normale et habituelle aux infrastructures de l’employeur) ;
  • le/la salarié.e ne doit pas exercer une autre activité salariée ou non salariée non occasionnelle dans le pays de résidence ou un autre Etat membre.

L’application de l’accord-cadre est une option qui doit être volontairement mise en place par l’employeur et le/la salarié.e (pas d’obligation).

Que le télétravail soit effectué sous l’accord-cadre ou non, l’employeur devra réaliser des démarches administratives auprès du Centre Commun de Sécurité Sociale (CCSS) pour informer de toute situation de télétravail des salarié.e.s ne résidant pas au Luxembourg. Certains pays requièrent également des enregistrements supplémentaires, comme la Belgique par exemple.

En cas de dépassement des seuils de télétravail (25% ou 50% du temps de travail selon si l’accord-cadre est appliqué ou non), l’affiliation et le paiement des cotisations sociales du salarié ne s’effectuera plus au Luxembourg mais dans le pays de résidence. Ceci implique notamment pour l’employeur de s’enregistrer dans le pays de résidence du salarié pour pouvoir y verser les contributions de sécurité sociales dues directement à l’organisme compétent : le coût de la sécurité sociale du pays de résidence sera donc applicable (et peut être plus élevé que celui de la sécurité sociale luxembourgeoise pour l’employeur comme pour le salarié.e!) et il faudra également adapter la comptabilité et les fiches de paie du salarié en conséquence. Le salarié perdra le bénéfice des prestations sociales luxembourgeoises puisqu’il sera soumis au régime de son pays de résidence.

Dans le cas de l’indépendant.e établi.e au Luxembourg  :

En principe, il/elle est affilié.e à la sécurité sociale au Luxembourg s’il est établi (=si son entreprise est établie) au Luxembourg et qu’il preste au Luxembourg. Cependant, si 25% ou plus de son activité / de sa rémunération est dans le pays de résidence, l’affiliation et le paiement des cotisations se fera dans le pays de résidence et non plus au Luxembourg. L’accord-cadre ne s’applique pas aux indépendant.e.s.

En conclusion, les règles du télétravail doivent être analysées consciencieusement dans chaque situation afin d’en prévoir toutes les conséquences qui seront à chaque fois à analyser parallèlement en termes de droit du travail, de fiscalité et de sécurité sociale. Par exemple, un.e salarié.e frontalier.e qui pourrait télétravailler jusqu’à 49,9 % de son temps de travail dans son pays de résidence sous l’accord-cadre sans conséquences sur sa sécurité sociale qui resterait au Luxembourg, subirait tout de même des conséquences sur le plan fiscal (dépassement du seuil des 34 jours).

Pour toutes questions, la House of Entrepreneurship se tient à votre disposition, même si l’application individuelle de ces règles à votre situation relèvera d’un spécialiste juridique / fiscal en la matière.

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