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Les 6 préjugés tenaces sur les startups (et les réalités qu’ils cachent)

Startup : le terme autrefois réservé à un cercle d’initiés est désormais entré dans le langage courant. En revanche, il n’est pas toujours utilisé à bon escient ! On l’entend même à tort et à travers un peu partout.

Par ailleurs, l’univers des startups véhicule de nombreuses images pas toujours fidèles à la réalité, qui peuvent être sources de grandes désillusions pour les entrepreneurs.

Passons en revue les préjugés les plus enracinés et leurs pendants réels.

C’est valable pour n’importe quel business model

Paul Graham est entrepreneur, investisseur et fondateur du Y Combinator, un célèbre accélérateur de startups basé dans la Silicon Valley. Depuis 2005 il a contribué à propulser des mastodontes comme Airbnb, Dropbox, Stripe ou encore Reddit. Autant dire que sa réputation n’est plus à faire : il bénéficie d’une aura légendaire dans le monde de la tech. Paul Graham est notamment connu pour avoir donné une définition de la startup qui fait autorité : « la startup est une entreprise conçue pour croître rapidement ».
Dans sa définition, la notion de croissance est fondamentale : c’est la capacité d’une entreprise à générer une croissance forte qui fait d’elle une startup. Rien d’autre.

Être une jeune entreprise ne fait pas de vous une startup.
Par exemple, une boutique de chocolats ouverte depuis 6 mois ne peut pas être considérée comme une startup uniquement car sa création est récente.

Le caractère innovant ne veut pas non plus dire que vous êtes une startup. 
Il existe de nombreux contre exemples où des startups florissantes étaient des copies – certes très efficaces – de concepts déjà existants sur d’autres marchés.
Rocket Internet, vous connaissez ?

Alors comment savoir si un projet est taillé pour croître de manière exponentielle (et s’il peut donc être considéré comme une startup) ?

C’est simple : dans un business model de startup, à chaque fois que vous créez une unité supplémentaire d’un produit ou d’un service, celle-ci coûte moins cher à produire que la précédente.
C’est ce qu’on appelle les économies d’échelle.

Exemple : vous vendez un abonnement à une application de cours de yoga par vidéo. Imaginons qu’un abonnement pour un client A vous coûte 100€ à produire (coût des ressources humaines, coût marketing, bureaux, coût de tournage des vidéos, stockage sur les serveurs, etc).  Vous vendez maintenant un abonnement à un nouveau client B. Celui-ci vous coûtera moins cher à produire. En effet, vos charges vont s’étaler sur une plus grande quantité produite. Pour générer ce nouvel abonnement, vous n’aurez peut-être pas besoin d’embaucher de nouveaux employés, d’avoir des bureaux plus grands, etc. Pour faire simple, vous êtes capable de générer plus de revenus sans augmenter vos charges de manière proportionnelle. Dans le jargon on appelle ça le « passage à l’échelle » ou « scalabilité ». Cette scalabilité repose sur les gains de productivité offerts par le digital.  Que vous serviez 100 ou 1000 clients, vos charges fixes évoluent peu et la demande peut être traitée de manière automatisée, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Si vous avez un business model non scalable, une augmentation des revenus se traduira par une hausse proportionnelle (ou presque) de vos charges. Prenons un exemple : vous ouvrez une boulangerie. Vous êtes capables de servir 500 clients par jour durant vos heures d’ouverture. Si vous souhaitez grandir et capter plus de clients, vous devrez investir dans des locaux plus grands, plus de personnel, plus de fours, plus de matériel ou des équipements plus performants (et donc probablement plus chers). Vos charges variables augmenteront également (vous consommerez plus de matières premières, plus d’eau, d’électricité, etc). En résumé, pour dégager des revenus supplémentaires vous aurez de nouvelles charges à assumer, de manière quasi proportionnelle.

Les métiers du conseil ou de l’artisanat sont un autre exemple de « non scalabilité » : dans ces secteurs, les services prestés reposent en grande partie sur des ressources humaines, dont la capacité de travail est limitée dans le temps (on ne travaille pas jour et nuit !) et peu automatisable.
Plus vous servirez de clients, plus vous devrez embaucher.

Cependant, pas de panique : la course à la croissance n’est pas une fin en soi (elle s’accompagne même de problèmes bien spécifiques).

On peut très bien avoir un business model « non scalable »  très rentable.
On peut également avoir un business model « non scalable » au niveau de chaque unité de profit mais « scalable » dans sa globalité.
Exemple : développer une chaîne de restaurants franchisés.
Chaque restaurant ne pourra pas générer de croissance exponentielle à son échelle (il sera limité par le nombre de couverts, par les horaires d’ouverture, etc) mais le groupe pourra connaître une croissance explosive dans sa globalité, en passant par exemple de 3 à 30 restaurants en 1 an.

Les schémas ci-dessous synthétisent toutes les notions expliquées plus haut.

Business model startup VS business model « non scalable ».

Avant de démarrer, vérifiez si votre business model est scalable. Vous saurez si vous pouvez être considéré comme un projet « startup » ou non. Cela ne vous empêchera pas de vous lancer, mais cela aura un gros impact sur le mode de développement que vous pourrez (ou devrez) adopter.

Tout peut/doit être automatisé

Paul Graham (encore lui) a rédigé un autre article célèbre : « Do things that don’t scale » (en Français, « faites des choses non scalables »). Cela peut paraître contradictoire quand on sait qu’une startup doit être scalable. En réalité, l’article énonce un précepte crucial : en tant que fondateur de startup, vous devrez acquérir « à la main » vos premiers clients.  En effet, le moteur de la croissance ne démarrera pas seul. Il ne vous suffira pas de faire « le buzz » au moment du lancement ou de tout miser sur le bouche à oreilles pour gagner naturellement vos premiers clients (c’est pourtant un mythe tenace !).

Vous devrez par exemple utiliser votre réseau proche et le réseau de votre réseau pour démarcher en personne vos premiers clients, participer à des évènements et montrer votre solution à un maximum de personnes, vous inscrire dans un espace de coworking et réseauter. Présentez votre solution à de potentiels clients, créez un compte avec eux et guidez les dans l’utilisation du produit. Ces personnes seront également une excellente source de retours qui vous permettront d’améliorer la solution et l’expérience client. Concentrez tous vos efforts dans ces actions et offrez un service client exceptionnel, qui surprendra – positivement – et générera de la fidélisation.

Si votre solution s’adresse à des PME ou des grandes entreprises, trouvez par tous les moyens – généralement le réseau – un premier client pilote avec qui vous développerez un produit qu’il vous achètera. Lorsque vous démarrez, c’est ce que vous pouvez espérer de mieux avant d’attaquer d’autres clients !

Si vous avez une solution BtoB, les autres startups peuvent être d’excellents clients : elles sont généralement plus ouvertes à l’utilisation de nouvelles solutions et ne sont pas forcément « coincées » par des contrats avec d’autres prestataires.

Avant d’automatiser au maximum votre service pour qu’il puisse croître de manière exponentielle, vous devrez probablement réaliser certaines tâches « à la main ».
Le client n’est pas obligé de savoir que la solution dont il bénéficie repose sur une interaction humaine (c’est ce qu’on appelle un produit « magicien d’oz »).

Cela vous permettra de récolter des paiements et d’engranger des retours utilisateurs même si votre produit n’est pas finalisé.

Gardez à l’esprit que la croissance n’est pas automatique. Pour enclencher la machine, vous devrez parfois passer des mois à convaincre vos premiers clients, à discuter avec eux en personne en cherchant à fournir la meilleure expérience possible.

Le succès est rapide

C’est une autre idée reçue très répandue : les startups naissent et deviennent des licornes – des entreprises valorisées au moins 1 milliard d’euros - en 2 ou 3 ans.  Dans la réalité, faire grandir une startup est un travail de longue haleine. Vous pouvez vous amuser à regarder les dates de naissance de startups à succès : vous verrez qu’elles sont souvent en activité depuis 5 à 10 ans, voire plus.
Si vous êtes attiré.e par cette forme d’entrepreneuriat, soyez donc prêt.e.s à vous investir beaucoup et longtemps. Si votre situation personnelle (travail, famille, engagements associatifs ou sportifs, etc) vous impose un rythme de vie soutenu, serez-vous capable de tenir la cadence sur le long-terme ?

L’injonction de croissance et les responsabilités qui en découlent représentent une énorme charge de travail (acquisition intense de clients, amélioration continue du produit, embauche de l’équipe, structuration des processus, recherche et gestion des investisseurs, etc). Il en va aussi de la crédibilité qu’on vous accordera : comment convaincre des gens que votre projet a du potentiel lorsque vous-même n’y êtes pas dédié.e à temps plein ?

Si vous voulez tenter l’aventure startup, vous serez obligé.e d’investir énormément de temps et d’énergie pendant plusieurs années. Vraiment beaucoup de temps et d’énergie. Si vous souhaitez entreprendre de manière moins exigeante ou plus flexible, alors le « mode startup » n’est peut-être pas le plus adapté. La bonne nouvelle c’est qu’on peut réussir et s’épanouir dans de nombreuses autres formes d’entrepreneuriat !

On peut se lancer seul.e

Dans une startup, l’entrepreneur.e ne peut et ne doit pas assumer toutes les taches seul.e. :

  • Premièrement, la charge de travail est trop importante pour se lancer dans l’aventure en solo. Nous n’allons pas vous le cacher : développer une startup n’est pas la meilleure option si vous recherchez un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle grâce à l’entrepreneuriat.
  • Deuxièmement, développer une startup nécessite des expertises multiples qui ne peuvent pas être possédées par une seule personne.
  • Enfin, les cofondateurs jouent un rôle prépondérant dans le développement du projet : donnez la même idée à 3 équipes et vous aurez autant de résultats différents !

L’équipe est également la première composante d’un projet. C’est de là que tout démarre.
Et c’est encore plus important au début de la vie d’une startup : c’est souvent à travers l’équipe que l’on va vous juger (et c’est notamment vrai pour les investisseurs !).

Pour toutes ces raisons, on vous accordera peu de crédibilité si vous êtes seul.e à porter votre projet.
Il est donc indispensable de vous entourer des bonnes personnes.

Trouvez absolument un.e ou plusieurs cofondateurs/trices. Cherchez en priorité des personnes qui partagent la même vision et les mêmes valeurs. Avoir des compétences complémentaires est la cerise sur le gâteau.
Pour ce faire, parlez au maximum de votre projet autour de vous. Rejoignez des communautés en ligne, participez à des évènements, (ré)activez votre réseau.

La technique est secondaire

Comme le disait justement un expert que nous faisions intervenir lors d’un atelier : “Ouvririez-vous une boulangerie sans savoir faire de pain ?” Qu’il s’agisse d’une solution “hardware” (produit physique) ou d’une solution “software” (service digital), il y a un seul mot d’ordre : vous devez en réaliser le développement en interne.

Une grande partie de votre valeur ajoutée va reposer sur votre solution.

Il y a donc trop de risques à déléguer sa création à des prestataires externes :

- risque financier : à moyen terme un sous-traitant peut vous coûter plus cher qu’une ressource interne. Le développement de votre solution va demander un travail quotidien qui représentera un budget important. Pensez également aux dépenses liées à la maintenance et à l’amélioration de votre solution.
Petit conseil : méfiez vous des tarifs alléchants proposés par des prestataires situés dans des pays où la main d’œuvre est “bon marché”. La qualité ne sera pas toujours au rendez-vous. Ne sous-estimez pas la difficulté à gérer un projet de ce type à distance,surtout si vous ne maîtrisez pas un minimum de compétences techniques. L'interaction avec vos prestataires peut s’avérer compliquée.
Gardez toujours ceci en tête :


- risque lié à la propriété intellectuelle : si vous passez par des prestataires externes faites attention à bien définir à qui appartient le code ou le design du produit ! Mal définis, ces éléments peuvent totalement bloquer le projet (difficulté à récupérer du code une fois la prestation terminée, etc).
- risque produit : vous restez un.e client.e parmi d’autres pour votre sous-traitant.e. Vous ne pourrez donc pas obtenir le même niveau de réactivité et d’implication qu’avec un employé.e ou un associé.e.
De plus, si vous arrêtez la collaboration avec votre sous-traitant.e, il peut être difficile de trouver un nouveau prestataire qui acceptera de repartir d’un code qui n’est pas le sien.
- risque humain : votre vision produit doit être portée par vos ressources internes ! Vous aurez beaucoup de mal à faire grandir votre startup si ses propres membres ne sont pas personnellement impliqués dans la réalisation de la solution. Vous perdrez également en crédibilité aux yeux de nombreuses parties prenantes de votre projet (incubateurs, financeurs, etc).

Trouvez des cofondateurs/trices qui disposent des compétences techniques nécessaires au développement de la solution.
Autre alternative, essayer de faire le maximum par vous-même !
Il existe aujourd’hui de nombreuses solutions no-code idéales pour développer des versions initiales de solutions digitales... sans coder ! Bien
sûr, il ne s’agit pas de solutions miracles utilisables dans tous les cas. Ces outils demanderont tout de même quelques dizaines d’heures d’apprentissage, mais vous pourrez vous familiariser avec le fonctionnement d’une solution digitale et engranger de premiers succès qui vous serviront à attirer des profils techniques.

Il faut d’abord trouver des investisseurs

Il s’agit probablement d’une des erreurs les plus fréquentes chez les fondateurs/trices de startups : se focaliser en priorité sur la recherche d’investisseurs. En réalité, il est impossible d’attirer des investisseurs uniquement sur base d’une idée ou d’un pitch deck, aussi travaillé soit-il. En tant qu’entrepreneur.e, votre unique objectif doit être de trouver des clients ou de faire grandir votre base d’utilisateurs.

Quelques raisons pour lesquelles lever des fonds trop tôt est une perte de temps :

  • Lever des fonds n’est pas une forme de validation produit : les investisseurs ne sont pas forcément vos client.e.s et ils ne savent pas mieux que vous si le produit va fonctionner. A ce stade, ils vont essentiellement se baser sur votre équipe et sur votre capacité à raconter une histoire convaincante.
    Seule la confrontation avec le marché pourra vous procurer de réels marqueurs de validation produit !
  • Sans validation marché vous êtes décrédibilisé.e : vous ne serez pas pris.e au sérieux si vous sollicitez des investisseurs sans être capable de prouver de vrais signes de traction marché (des signaux forts et récurrents de demande clients). En cas d’investissement, votre valorisation serait diminuée et les conditions probablement moins favorables pour vous.
  • Les investisseurs mesurent les progrès par la croissance : au tout début de votre aventure, la croissance sera probablement inexistante ou très faible. Recevoir des investissements trop tôt risque de vous mettre une pression énorme pour générer rapidement de la croissance alors que vous n’êtes pas prêt.e.
  • Lever des fonds prend toujours plus de temps qu’on l’imagine : lever des fonds va vous faire perdre un temps précieux. Vous allez essayer de séduire des investisseurs en peaufinant un discours fictif basé sur un produit non testé. Cela ne vous laissera pas de temps pour aller au contact de vos clients et construire avec eux une histoire crédible basée sur une offre testée.
  • L’argent ne vous pousse pas à donner le meilleur de vous-même : sans argent vous apprendrez à être plus efficace dans toutes vos actions. Vous serez forcé d’aller à la rencontre de votre marché pour minimiser les risques et vous perdrez moins de temps sur la conception – parfois inutile – de votre offre.

Approchez vous le plus possible de l’adéquation produit/marché (la rencontre d’une demande suffisante) sans financement externe. Bien entendu, il s’agit d’un objectif idéal. Adoptez le bootstrapping, internalisez les compétences clés, utilisez des techniques de validation marché telles que le Lean Startup pour valider – ou non – votre marché le plus rapidement possible.

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